29 juin 2016.
Une belle route de montagne aux virages en épingles à cheveux nous conduit à travers de magnifiques forêts au Col de Prislop (1416 métres). Chemin faisant, nous nous arrêtons vers un apiculteur qui tient un étal en bord de route. Nous échangeons tant bien que mal sur les diverses variétés de miel, ses difficultés car le climat est rude dans la montagne. Nous observerons les apiculteurs au travail tout au long de notre parcours du jour. Plus loin, c’est à la source d’eau minérale du Parc National des Munti Isi Apara Vitorul que nous remplissons nos bouteilles d’une eau cristalline et au goût délicat. Pour trouver la source, il faut avoir l’oeil. Elle est à peine signalée. Il s’agit d’un simple tuyau qui sort du talus. Il est équipé d’un goulot de bouteille en plastique pour faciliter le remplissage ! Encore une stupéfaction de plus dans cette Roumanie pleine de contraste. Stupeur d’autant plus grande, qu’au Col de Prislop, un gigantesque monastère flambant neuf est en cours de construction !
Il fait 15° à 10H30. En deux jours nous avons perdu 20° en température !
La Bucovine est élégante et ordonnée. Terre de collines et forêts, elle nous rappelle le Beaufortain. Les maisons sont ornées de dentelle de ciment très fines.
La Bucovine est une partie de la Moldavie. Elle a été peuplée durant des siècles de plusieurs nationalités différentes : Arméniens, Juifs, Turcs, polonais, Roumains, Ukrainiens, Allemands, Roms. Un véritable brassage culturel !
C’est aussi la région des œufs peints ! Les œufs sont vidés de leur contenu, puis peints à l’aide de la chisita, un tube de métal sur lequel est tendue une soie de porc. Dans un premier temps, la coquille vide est enduite de cire colorée, puis les motifs sont dessinés et les couleurs fixées par des bains successifs de la teinte la plus claire à la plus foncée. Le plus souvent la couleur est rouge. Chacun a son motif particulier. Ils sont souvent offerts à Pâques et donnent lieux à des concours. Il s’agit en faisant rouler son oeuf de casser ceux des concurrents ! Pour les enfants, les oeufs sont en bois. Moins fragiles, ils permettent aussi de casser les oeufs des adultes sans coup férir !
Les 150 Kms après le Col de Prislop sont épouvantables. J’enrage ! Il y a de l’argent pour construire un monastère flambant neuf au milieu de nulle part et pas un centime pour refaire les routes. Il nous faudra 4H20 pour parcourir 150 malheureux Kms !
Nous voici enfin sur le parking du monastère de Voronet. Un homme accourt brandissant un carnet à souche… C’est payant mais nous pouvons passer le nuit sur site. Le préposé nous propose même un raccordement électrique sur une cabane de vente de souvenirs pour le même prix. Par contre, depuis 2 jours, nous n’avons pas réussi à vidanger la cassette des WC. On nous propose invariablement de jeter le contenu à la rivière, ce que nous refusons fermement compte-tenu de l’additif qu’elle contient. Le scénario se répète à nouveau à Voronet. Nous finirons par trouver une bouche d’égoûts…En espérant que le dit-égoût ne se déverse pas directement dans la rivière proche…
A Voronet, le protocole est strict : pas de bras nus, pas de jambes nues ! Jean-Paul doit donc revêtir une seyante jupe-portefeuille sur son pantacourt, décidément trop court !
Voronet, construit en 1448, en 3 mois et 3 semaines, est présenté comme le joyau de la Bucovine. Nous restons ébahis devant les murs extérieurs, recouverts des fondations au toit de fresques. Celle du jugement dernier sur la façade ouest retiendra plus particulièrement notre attention par sa complexité !
Les peintures de Voronet sont à dominance de bleu, un bleu encore bien différent du bleu éclatant de Sapanta. Le bleu de Voronet serait obtenu par broyage de lapis-lazuli ! La résistance au temps est assez exceptionnelle !
Grâce à un vendeur d’icônes sur verre qui parle très bien le français, nous aurons plusieurs informations sur la Roumanie. Il nous parle de son art. Les icônes sont peintes à l’envers et les diverses teintes sont superposées avec minutie. Plus le dessin est fin, plus les passages sont nombreux. C’était un art religieux. Pour autant, dès le 17° siècle, les paysans ont commencé à peindre des icônes pour protéger leurs maisons, d’abord sur verre, puis sur bois, le verre étant devenu trop cher. Les icônes représentent de façon naïve des saints vêtus de costumes traditionnels ainsi que des éléments de la vie quotidienne.
Il nous met aussi en garde contre les « Gipsys », tribu de voleurs et arnaqueurs, selon lui. Si nous pouvons transposer, il s’agit péjorativement des « manouches voleurs de poules et mendiants » qui sévissent en France. Il nous conseille de passer notre chemin, ou de différer une visite si nous en voyons trop, notamment des enfants, plus agiles au chapardage.
Nous décidons d’acheter des œufs peints… Pas des vrais que nous avons peur de briser en route, mais des reproductions sur bois. Devant la multitude de choix, une Roumaine nous guide dans nos choix bien gentiment et nous explique les couleurs et motifs traditionnels des œufs, des nappes et vêtements brodés. C’est désormais l’oeil averti que nous ferons nos emplettes.
Nous avons aussi droit à la question désormais rituelle que nous posent les Roumains avec qui nous bavardons : « mais qu’est ce que vous êtes venus faire en Roumanie ? » « Visiter un pays que nous ne connaissons pas. Découvrir un autre mode de vie, une autre culture » « Mais…Il n’y a rien à voir en Roumanie !!! La France est un si joli pays, pas comme la Roumanie !!! » Nous les détrompons tant nous sommes conquis par la Roumanie, si rude au prime abord, puis très attachante. « Mais qu’est ce qu’il y a à voir ? ». Nous expliquons le périple accompli et celui à venir et là….Inévitablement, la mâchoire de notre interlocuteur pend, ses yeux s’arrondissent…Il est stupéfait ! Et nous offre sa bénédiction pour la suite du voyage.
Album photos. Col de Prislop. Monastère de Voronet. Cliquez ci-dessous :